PEINTURES > PAQUEBOTS

Marseille. Alger. Il fut un temps où nous vivions, toute la famille, entre la France et l’Algérie… À cette époque, traverser la Méditerranée était un voyage, un grand. Coques noires, cabines et ponts blancs, nous prenions le bateau, des paquebots dans un sens, des paquebots dans l’autre. Noirs et blancs avec juste au dessus de la surface de l’eau une ligne rouge, ligne de flottaison, et dans le ciel comme fichées dans la lumière du jour ou bien dans l’ombre de la nuit, deux grosses cheminées, noires et rouges elles aussi… Ces bateaux, des couches de peintures, des noirs surchargés de noirs et de noirs, des rouges assombris autant qu’attaqués par l’oxydation, des blancs laissant transparaître leurs dessous, oranges et vifs antirouilles… Le Ville d’Alger, le Ville de Marseille, le El Djezaira… trois de ces bateaux… Fameux… Mythiques presque… Entre mer et ciel, flottant entre bleu et bleu… mille bleus, tous changeants, toujours… des bleu-rouge, des bleu-orange, des bleu-vert et des bleu-jaune, bleu-gris aussi, des bleus jamais bleus, des bleus toujours bleus… une vraie leçon de peinture : ces couleurs, les unes, les autres, sur la toile maintenant et à vif elles s’affrontent, elles s'affirment dans leur opposition… Rebelles, elles nient la règle et elles s'inventent dans un désordre qui n'appartient qu'à elles… Ici, la couleur se dit et se construit, se déconstruit et se contredit. La mer n'est de celle attendue, le ciel est tout son contraire… le sujet? Le paquebot bien sûr mais peu importe le sujet… ses tracés et son contour? Vous avez dit tracés? Vous dites contour? Je ne vous entends pas. Images? Je ne veux rien savoir. Compostions? Ce n'est pas le propos: il s'agit de peinture et le champ est encombré. Il est de bataille!